Les aventures du Sangria Ocala
Je suis Léo Nolan, j’ai 24 ans et j’ai contacté l’association il y a trois ans, lorsque j’avais besoin de renseignements pour ramener mon Sangria sur le canal de Bourgogne en camion. Depuis, les choses ont bien changé. Après avoir descendu la Saône et le Rhône, j’ai fait en 2004 une grande virée en Méditerranée (Espagne Sud, Baléares), puis je suis passé en Atlantique via le Canal du Midi afin d’arriver à Saint-Nazaire où je me suis installé pour reprendre mes études et travailler, tout en vivant à bord. Puis le 4 mai 2006, j’ai remis les voiles : golfe de Gascogne, Portugal, Maroc, Canaries où mon bateau est amarré désormais à la Graciosa au nord de Lanzarotte. Super voyage par étape de 200 à 300 milles. Je compte traverser l’Atlantique début 2007.
Pour moi voyager en voilier est le moyen le plus difficile, le plus lent et parfois le plus coûteux pour voir du pays … Pourtant c’est ce que je fais depuis quelques années déjà et je ne suis pas prêt de m’arrêter malgré les plaintes langoureuses de ma mère qui me voit faire de l’intérim avec Bac +3 ! Je voyage essentiellement pour rencontrer d’autres cultures, d’autre mode de penser. D’autres gens, quoi ! Et je dois dire que dans cette optique, le fait de bouger avec un petit bateau favorise le contact humain en général (à part dans les marinas de riches plaisanciers où le contact humain peut coûter 25 euros la nuit). J’ai appris beaucoup en voyagent avec mon voilier et quelque chose me dit que ce n’est que le début. J’ai toujours essayé de respecter trois axes majeurs lors de mes virées sauvages en Sangria :
1- faire la fête a chaque escale et rencontrer de nouveaux ami(e)s,
2- …
3- naviguer en sécurité, tout en sortant des chemins battus.
Jusqu’à aujourd’hui, Inch allah, ce concept marche plutôt bien. A propos du Sangria, je pourrais résumer mon opinion à l’avis de Stan, mon équipier américain, qui m’a dit lors d’une de ces mauvaises journées au large “OCALA, It’s not a boat, it’s a tank, man ! ”. Quel comportement marin, quelle robustesse et quel plaisir de naviguer sur ce bateau ! Que du bonheur !
J’ai toujours été convaincu de la robustesse du Sangria mais, il faut bien le dire, au début ma conviction venait essentiellement de ce que j’avais lu sur les revues nautiques. C’est donc en juin 2003, après deux longues années à vendre du papier peint à Dijon (pour avoir un BTS action commerciale par alternance) à des clients peu engageants que j’ai réussi à mettre un petit capital de 6.000 euros de côté. Et j’achète donc OCALA à Martigues, un Sangria de 1972, sans moteur (le vieux Evinrude n’était qu’une illusion), avec un espace intérieur plus que négligé (plus de vaigrage), mais disposant d’un mat presque neuf, d’une coque en bon état, et d’un haubanage très propre et surdimensionné. Le pont était à repeindre mais le compteur électrique était correct. Le tout pour 4.000 euros.
Virée 2004
canal de Bourgogne, Saône, Rhône, Espagne, Baléares, canal du Midi puis Atlantique
Équipement du bateau : huit voiles, un GPS Garmin 75 (capricieux), hors-bord 9 cv Johnson (no comment), VHF fixe (vétuste), un sondeur (défectueux), une batterie 80 Ah, etc.
Les équipiers :
Anna, 24 ans, étudiante en communication à Strasbourg. Trouvée par routard.com, elle n’a jamais navigué. Plus douée aux demis qu’aux quarts, sans faire de jeu de mots. Très sympa mais absolument pas faite pour naviguer. Je me souviendrai longtemps de son étonnement profond lorsqu’elle a pris conscience que son téléphone portable ne marchait pas à 50 milles des côtes ! Elle m’a tout de même accompagné durant tout le voyage en Méditerranée.
Stan, 29 ans, Américain, écrivain a mi-temps et prof de Yoga vivant en Europe depuis quelques années. Jamais navigué lui non plus. Trouvé dans une fiesta à Barcelone (Espagne). Il m’a impressionné autant par son ouverture d’esprit que sa facilité à apprendre la voile. En deux jours, il savait régler les voiles comme il faut, le 3ème jour il savait faire un point précis sur la carte et le 4ème jour je ne savais plus trop à quoi je servais sur mon propre bateau. Un Ami. Il m’ accompagné sur toute la partie hispanique du voyage en méditerranée.
Alice, 20 ans, Suisse, étudiante. Trouvée par routard.com. Une nana hyperactive comme il y en a peu. Elle était d’une telle volonté que j’aurais dû la payer si j’en avais eût les moyens. Très sympa et toujours prête à aller de l’avant mais un peu trop bohème et insouciante. Aujourd’hui elle fait le tour d’Europe en compagnie d’un trapéziste tchèque dans un cirque roumain ! Elle m’a accompagné du début du canal du Midi jusqu’à Saint-Nazaire.
Hugo, 24 ans, étudiant à Science Po. Jamais navigué. Un ami de longue date qui, contrairement à tous les copains que j’ai embarqués, ne m’a pas déçu, bien au contraire. Malgré ses séances de bronzage sur les catways du port de Royan, il reste toujours mon meilleur pote.
et l’aventure commence …
Je mets le bateau sur camion direction le canal de Bourgogne pour Dijon où je compte lui refaire une beauté tout en continuant à vendre du papier peint mais cette fois-ci en vivant à bord. Ce qui, je dois dire, sur le canal de Bourgogne en plein centre ville de Dijon était assez original. Fin avril 2004, c’est parti pour la première virée. Le bateau n’est vraiment pas prêt. J’ai acheté pour 600 euros un très mauvais moteur Johnson 9 cv qui consomme beaucoup trop. Au niveau électronique j’ai installé un GPS portable garmin 75, plus que capricieux, une VHF antique ne marchant pas à plus de trois milles et un sondeur inopérant à cause de la sonde. Ça s’annonce bien.
Des écluses, des écluses et encore des écluses …
Je pars pour les 30 km entre le canal de Bourgogne et la Saône (35 écluses et j’ai frotté le fond du canal plusieurs fois) puis je descends sans problème la Saône et le Rhône, au moteur et en solo, le mat à plat sur le pont, en voyant défiler petit a petit un paysage de plus en plus méditerranéen. Si je me souviens bien il y a environ 12 écluses en partant de Macon jusqu’à la Méditerranée. Certaines écluses sont impressionnantes, en particulier celle de Bollène qui descend de 25 m ! On rencontre beaucoup de voiliers allemands et hollandais qui descendent vers le soleil pour la retraite. La traversée de Lyon en bateau vaut le coup ! Dix jours plus tard, me voilà à port Saint-Louis du Rhône, près de Marseille, prêt a faire mes armes en Méditerranée. Malgré une grosse déception sentimentale qui me clouera trois semaines à quai, je mate et je pars, à contre cœur, avec mon équipière Lili, “ recrutée“, c’est vraiment un grand mot, par le biais du site Internet du routard. C’est partit, direction le sud. Pas d’objectif précis, un seul but : partir loin mais revenir quand même en essayant pour une première virée de voir ce que le bateau et le capitaine valent.
Ce fut un voyage plutôt sympa et très instructif. Après une longue navigation côtière, alternant problèmes électriques et moteur, en passant par Sète, Port Leucate puis en Espagne, à Cadaques, Barcelone, El Esttartit, Valence. Petit à petit, je prends goût à ce que sera mon sport favori : gruger les marinas et les ports. Je n’avais d’ailleurs pas bien le choix avec les 540 euros par mois de caisse de bord. Lili et moi, nous avions tous les trucs.
Rencontre de Stan
Par contre, l’ambiance à bord n’est pas bonne, mon équipière me tape sur les nerfs, le moteur me pourrit la vie et je m’aperçois très vite d’une règle générale en Méditerranée soit il n’y a pas de vent, soit il y en a trop. A noter ce gros coup de Tramontane vers Barcelone qui me permit de tester la solidité de ce tank des mers appelé Sangria. Je décide donc d’abréger notre descente vers le sud et de visiter les Baléares. Lors d’une soirée plus qu’arrosée, je rencontre Stan, un californien, en Espagne depuis deux mois, fanatique de yoga et de marijuana. Quand il embarque à 7 h 30, il n’a pas encore complètement dessaoulé, ce qui me plait moyennement. Il deviendra par la suite un de mes meilleurs amis. Nous avions 141 milles jusqu’à Puerto Soler. Confiant dans les prévisions marines indiquant pour les trois prochains jours un bon vent de 4 BF, je ne prends que 20 litres d’essence. Erreur fatale. Après 50 milles, le vent tombe complètement et nous mettons quatre jours à faire ces 141 milles sous un soleil de plomb. Quelle galère !
Après quinze jours de navigation, de détente et de fêtes autour de Majorque, il est temps de renter en France. C’est la fin des parties de pêche dans des mouillages paradisiaques et des barbecues fiestas sur la plage. Nous mettons le cap sur Cap Creus où je dépose Stan à El Estartit car il doit renter à Barcelone, puis Anna à Port Leucate. Par la suite, je m’engage dans le canal du Midi avec la Suisse Alice (toujours routard.com) et Hugo, un ami lyonnais de longue date. 120 écluses et trois pannes de carburateur plus tard, nous arrivons sur la Gironde où je prends la décision de reprendre mes études une année à Saint-Nazaire. Cap au Nord cette fois.
Résolu à repartir
Après l’ivresse des escales agitées de Royan, la Rochelle, Saint- Martin de Ré, sur l’île d’Yeu, j’arrive à Saint-Nazaire grâce à un coup de sud-ouest de 35 nœuds en septembre 2005 et je me retrouve perdu dans la Loire, car avançant trop vite je n’ai pas reconnu l’écluse d’entrée plaisance ! Honte sur moi, mais j’arrive tout de même à bon port ! Je suis fatigué, mais heureux et résolu à repartir. Dans d’autres conditions.
Je n’étais pas alors conscient que je resterais un an et demi dans ce port industriel très particulier qui m’a finalement appris beaucoup sur le plan technique. Après six mois d’études et six mois de travail aux chantiers de l’Atlantique et dans d’autres chantiers ainsi que quelques convoyages, mon bateau est cette fois bien prêt. J’ai installé deux panneaux solaires de 50 watts et une éolienne ancienne génération. Tout en mettant de côté dans un coffre mon vieux Johnson 9 cv très fatigué j’ai installé un Tohatsu 5 cv, largement suffisant pour pousser mon Sangria et consommant un litre à l’heure seulement. J’ai aménagé l’intérieur du bateau beaucoup plus confortablement, refait le circuit électrique complet et surtout cette fois-ci j’ai acheté un pilote automatique. Je suis prêt pour un voyage sans retour cette fois. Mes études sont finies, mon bateau est plus que prêt, j’ai 1.300 euros en poche. Je rappelle mon ami Stan, toujours en Europe, et j’embarque Manon une parisienne de 19 ans très motivée et n’ayant que très peu navigué (toujours routard.com). Nous partons le 4 mai 2006, direction les Canaries et cette fois je sais exactement où je vais et par où je passe.
Virée 2006
Saint-Nazaire, Espagne NW, Portugal, Maroc et Canaries
Équipement du bateau : le même qu’en 2004 avec en plus :
– deux panneaux solaires de 50 watts (une aide précieuse)
– une éolienne ancienne génération (peu de rendement)
– deux batteries (70 Ah et 180 Ah)
– un spi (déjà fatigué)
– un tangon “ fait maison ” (utile)
– une VHF portable Navicom (pratique et fonctionnelle)
– un GPS Garmin 45 (rien à redire)
– un frigo électrique
– un régulateur adaptateur multi-tension
– un pilote Raymarine (le meilleur équipier).
Les équipiers :
Robin (voir un peu plus haut). Après un mail très clair qu’il m’a envoyé, j’ai compris qu’il était de la partie « Port de solar, wow, what a time we had. I’ll never forget rowing the Santa Lucia that last 100 yards when the motor died. Beers in the morning after 5 days at sea! Lets do it again soon. Of course, not in the med. Somewhere where there is le bon vent. Ciao ”.
St Saint-Nazaire – La Rochelle
Ça y est, Saint-Nazaire c’est fini ! Les tours et les grues des chantiers de l’Atlantique s’éloignent au fur et à mesure de notre progression sur la Loire. Nous contournons Noirmoutier et l’île d’Yeu avec un vent très agréable au portant, le génois tangonné et grand voile débordée. Après avoir passé les Pertuis nous finissons la route au moteur en arrivant à la Rochelle à 10 h du matin. Je suis content, mon bateau marche bien, et même beaucoup mieux qu’avant. Tout est bon, le golfe de Gascogne nous attend. Stan, mon équipier américain, est ébloui par la beauté du vieux Port et par le Fort de la Rochelle.
Première victime à la traine
La Rochelle – Gijón : 270 milles
Le vent a tourné NE. Après trois jours d’attente, cette fois-ci, c’est parti. Je suis un peu anxieux en laissant l’île d’ Oléron derrière moi après toutes les horreurs que j’ai entendues sur ce golfe. Malgré tout, la première partie fût superbe, au portant, et la nuit nous naviguons dans la direction du reflet de la lune, ce qui inspire franchement mon équipier-écrivain Stan qui passe pas mal de temps a écrire dans le carré. Les journées sont rythmées par les bulletins météo et par la voix agréable de Madame 20 h 03 sur France Inter. Au bout de deux jours, le vent tourne Ouest et nous devons nous détourner vers Gijon, au lieu de la Corogne. A 50 milles du but nous rencontrons un voilier anglais. Nous nous faisons des signes, nous nous rapprochons et nous entamons une discussion improvisée de bateau à bateau. Nous finissons les 30 derniers milles au moteur, sans un pet de vent mais avec des orages impressionnants nous suivant toute la nuit ce qui était beaucoup moins amusant … Nous arrivons à Gijon sous la bruine et la pluie, fatigués mais contents d’être en Espagne. Gijon est vraiment une ville festive et étudiante, les bars et les clubs pullulent, et nous rencontrons pas mal de monde dans les bar à Cidre, typique de la culture locale.
Gijón – Viviero : 130 milles
en attendant le vent on s’est fait plein
de copains, la fête tous les soirs.
Pas de vent du tout et 90 % au moteur qui ne consomme que un litre à l’heure ! Puis nous sommes arrivés dans une anse montagneuse magnifique et sommes restés coincé pendant une semaine à cause du vent très fort. C’est pas grave : multiples randonnées sur les hauteurs verdoyantes de la Galice. Stan, trouve que la Galice est la copie conforme de l’Oregon, son pays natal. Nous étions tout de même contents de partir au bout d’une semaine.
Viviero – Cedeira : 70 milles
Très, très, très mauvais moment pour le capitaine. Houle résiduelle de NW, énorme (4 à 5 m) et pas de vent, enfin pas assez pour escalader ces montagnes de flotte. Moteur à fond plus les voiles = vitesse ridicule. Avec une impression d’évoluer dans une marmite incandescente, pas assez de vent pour se battre efficacement contre la houle qui me rabattait contre la cote. J’ai pris la décision, risquée, de revenir vers le port de Cedeira, petit port de pêche, sans détails précis sur l’entrée au port. J’ai tracé une ligne de sécurité sur la carte et j’ai suivi au degré près la latitude GPS. Une entrée très difficile m’attendait, 50 mètres de marge entre le chenal et la caillasse où le déferlement de la houle se voyait à trois milles ! Je n’ai pas décroché un mot aux équipiers pendant six heures tellement j’étais concentré sur l’arrivée du port. J’ai réussi à arriver sans problème dans ce minuscule port de pêche. J’étais vraiment fier de moi .14 h de sommeil. Ouf !
Cedeira – La Corogne : 70 milles
Et rebelotte! Avec l’intention de partir direct au Portugal toujours cette houle résiduelle de NW sans vent. Impossible de maintenir un cap précis. Je me suis dérouté vers la Corogne et je suis arrivé de nuit dans cette ville magnifique. L’arrivée de nuit à la Corogne mérite tout de même une carte assez détaillée étant donné le nombre de phares et de balises présents à cet endroit. La flotte de pêche est impressionnante. Il sortait un bateau toutes les cinq minutes et chaque chalutier était lourdement protégé vu les conditions météo de la région. Nous sommes arrivés à 5 h du matin, épuisés et déçus. Ras le bol de la Galice ! Par contre, il est vrai que La Corogne a un charme tout particulier avec ses places grouillantes de monde et ses grandes places pavées. Malgré tout nous ne sommes restés que 20 h à la Corogne car une nouvelle fenêtre météo se présentait pour enfin passer le cap Finistère. La tension des équipiers, Manon et Stan, après ces deux dernières étapes fatigantes, se faisait sentir et il était temps de partir voir autre chose.
La Corogne – Peniche : 330 milles
Extraordinaire ! Au départ de La Corogne peu de vent et appréhension de retrouver cette foutue houle, mais non, cette fois, ça allait, la houle était longue. Le vent est monté progressivement vers le cap Finistère que j’ai découvert au petit matin avec 35 nœuds de vent dans le dos ! Ce cap est vraiment impressionnant. Une énorme masse de roches, longue et déchirée par la houle. Extra. Je pense pas qu’il y ai eu 36 bateaux de 7,60 mètres qui soient passés par là ! Vive Santa Lucia !
Vitesse incroyable, 8 nds, 10 nds au surf, 12 nds parfois avec une voile d’avant de 6 mètres carré ! Et ça a continuer avec un bon vent, tout le long du Portugal !
C’était vraiment des conditions extra de navigation. Sans parler du nombre de dauphins et de bicéphales qui ont fait un bout de chemin avec nous. Nous avons d’ailleurs trouvé un jeu très amusant : nous lancions un pare-battage avec 10 mètres d’ammares et c’était alors le début d’un match très aquatique entre dauphins, un jeu ressemblant un peu à “ Attrapez le pompon ” dans les fêtes foraines. Un moment très sympa.
Ça allait tellement vite que je ne voulais plus m’arrêter ! Mais bon, les équipiers râlaient et on avait plus de vin ! Alors je me suis arrêté à Peniche près de Lisbonne. Ville extra, on a mangé du poulpe pour 5 euros, de la bière superbock à 50 cts, rencontré des Portugais sympas, réparé la voile d’avant un peu déchiré pendant le dernier trajet. Stan, mon équipier américain, a rencontré des compatriotes et n’a pas dormi plus de deux heures pendant les deux jours ! Tant pis pour lui, c’est pas en mer que tu te reposeras ! Crazy Americans !
Peniche est vraiment une ville magnifique, vivant exclusivement pour et par la pêche, et je dois dire que l’accueil a été à la hauteur de la réputation des Portugais. Bref deux jours sympas.
Péniche – Sines : 100 milles
Plus de vent ! moteur, moteur, moteur … Arrivée à Sines au mouillage dans un port très contrôlé en raison des problèmes d’ immigration. Vieille ville médiévale magnifique, très au sud du Portugal. Nouveaux copains et progrès en portugais : je parle en espagnol et mets des « CH » à la fin des mots qui finissent par un « S » tout en prononçant plus les « OU » et « U ». 40 heures d’arrêt. marina payée
Sines – Moahamedia : 310 milles
Départ d’après midi, toujours pas de vent ! Puis en milieu de nuit le vent s’est levé d’un coup dans notre dos et le début des problèmes qui s’acharnaient sur moi : grand voile déchiré nette et spi explosé avec drisse coincée en tête de mat, branle bas de combat, tout le monde sur le pont. J’ai dû grimpé au mat avec 20 nds de vent et un bateau pas très bien barré par Manon qui venait de sortir de son sommeil profond. C’était un peu comme un grand manège en tête de mat. Changement de voile et c’est reparti. Ouf !!
Le lendemain, re-misère : plus un pet de vent ! Et déjà trop au large pour revenir au Portugal, le capitaine, rage et peste, les équipiers se foutent de sa gueule ! plus que 10 litres d’essence. Le soir, le vent est revenu mais ……. un peu trop !
En fait le météo prévoyait une dépression sur Gibraltar en coupant au large du sud Portugal et je me suis dit que ça devrait passer sans trop de casse, mais ce que je n’avais pas prévu c’est que toute la houle allait m’arriver dessus quand j’allais m’approcher du détroit ! A partir de 6 h du matin le vent de travers est monté à 30 nds, ce qui est fort mais pas vraiment dangereux, mais le problème c’était la houle de travers qui nous obligeait à avancer un peu plus face à la vague pour ne pas perdre de cap. C’était plutôt rigolo, on grimpait à toute vitesse jusqu’en haut des vagues de 4 a 5 mètres et ce qui durait parfois 5 à 6 longues secondes. Mon bateau a vraiment très bien marché, j’en suis très content. C’est incroyable ce qu’on peut affronter avec un petit voilier comme ça, et les équipiers ont barré avec précision, ce qui m’a fait bien plaisir.
Stan, lui, m’a décerné le titre de champion de « negre rigger » , c’est à dire de champion de bidouillage à l’africaine. Ma grand voile de secours étant trop grande pour cette mer un peu musclé, j’ai pris une petite voile d’avant, que j’ai bordé à mort, pour m’en faire une grand voile moins grande et plus performante. Donc après 24 h de montagnes russes, assez rigolo mais fatigant pour le capitaine (c’est incroyable comme les équipiers n’ont aucune conscience du danger ! , pourvu que ca dure), le vent s’est complètement cassé la gueule et on a mis 24 h en plus pour faire 50 milles ! Puis arrivée au petit matin à Mohamedia. Dépaysement total, nouveaux copains, des marocains très sympas, conforme à l ‘accueil chaleureux, habituel ici.
Début des hostilités administratives à Safi.
Plus de deux heures pour en finir avec la paperasse et l’ administration.: une bouteille de whisky et trois mots en arabe pour les bakchichs.
Puis tajine, couscous, thé et repos bien mérité.
Mohammedia – Safi : 150 milles
La cote devient de plus en plus rocailleuse, avec de grandes falaises escarpées, un paysage assez aride, côtoyant les minarets. Nous avons navigué avec un bon vent de travers de 15 nds, pendant tout le trajet.
Les pêcheurs marocains sont vraiment extraordinaires. Ils naviguent à plus de 50 milles des cotes avec des 4 ou 5 m, équipées de moteurs hors-bord 20 cv.
Le port de Safi n’est absolument pas équipé pour la plaisance, ce qui lui donne un charme supplémentaire car nous étions les seuls européens, et les Marocains étaient d’un accueil si chaleureux et d’une gentillesse parfois pesante ! J’ai dût refuser au moins dix couscous en famille ! Beaucoup de copains, du “vrai Maroc”. Bref, une escale sympa.
Safi – les Canaries : 320 milles
Dernière étape, cette fois ci : les Canaries, plus exactement Isola Graciosa, au nord de Lanzarote.
Les conditions météo ont été impeccables. Après quatre jours d’attente à Safi nous sommes ainsi arrivés à destination au bout de deux jours et demi avec un vent régulier de nord, nord-ouest en n’utilisant le moteur qu’une demi-heure seulement !
L’arrivée aux Canaries était majestueuse au milieu des falaises abruptes et massives de Lanzarote, et les magnifiques plages de la Graciosa.
Les gens de cette île sont très sympa, absolument pas pourri par le tourisme .Comme tout insulaire qui se respecte, tout le monde est très décontracté, voir même un peu trop …
Et maintenant que faire ? Traverser bien sûr, direction Martinique, mais auparavant il va falloir travailler car je pense que mon banquier n’est pas content …
Virée 2007
Comme il est dit au début de cette page, Léo compte traverser l’Atlantique début 2007. Il nous tiendra au courant de l’évolution de son projet, notamment au niveau de l’armement de Ocala.
Équipement du bateau : récepteur Blu ? Navtex ? seconde vache à eau ? Tout reste à étudier.
Les équipiers : même chose !!
Léo est actuellement (sept-oct 2006) aux Canaries. Il vient de nous envoyer ces quelques mots et photos
» voila les photos de mon Sangria à l’heure actuelle. Ma négligence devrait faire râler des Sangriamis maniaques. A bientôt. Léo.
nb : Je vais peut-être passer par Dakar avant le Cap Vert, je me tâte. Bye »
La table à carte et son support
Journal de bord – première partie
courriel du 08 février 2007 – 19h57 – objet : news du cap vert
Je suis arrivé hier au Cap Vert après 8 jours de mer avec un vent de NE de 15 à 25 nds , 1 petit thon , 1 coryphène et 1 léger problème électrique en cours de route .Une navigation très sympa de 860 milles.
Technique
Jusqu’à là, je suis très content de mon bateau. Avant de partir j’ai installé un deuxième étai à l’avant, un pataras supplémentaire réglable sous palan avec taquet coinceur (comme dit Moitessier : trop fort n’a jamais manqué). J’ai aussi acheté un téléphone iridium d’occasion pour 400 euros qui, je dois dire, est bien pratique. J’ai aussi stocké la flotte en bidons de 10 litres répartis sur tout le bateau (200 litres en tout). J’ai vérifié le gréement 36 fois avant de partir, tout a l’air « clean » mais on ne peut jamais vraiment savoir à 100 pour cent.
Le Cap Vert
J’ai atterri à Mindelo sur l’île de Sao Vincente, c’est très sympa et pas trop touristique. Ce n’est plus les Canaries mais c’est quand même pas l’Afrique ! Mindelo est une ville très colorée où l’on peut boire du rhum et se taper de bonne bouffe pour pas cher. Le mouillage est bien abrité et les mecs qui s’occupent de la surveillance des annexes sur la plage me semble assez fiable (ça a peut-être changé). Les Cap Verdiens sont très cools et il est possible de discuter tranquillement avec un type dans le rue sans qu’il ait envie de te vendre quelque chose ou de taxer des sous. Les Cap Verdiens sont souvent multilingues mais parlent entre-eux un créole portugais, mais avec l’espagnol et le français il y a pas de pb pour se faire comprendre. Le Cap Vert c’est quand même pas tout à fait vert, c’est peut-être un peu moins désert que Fuerteverntura ou Lanzarote aux Canaries mais c’est pas la jungle !
Sur ce sujet, j’ai beaucoup regarder les interventions de divers internautes sur Sail The World ou Hisse et Ho (ndlr : 2 sites réputés que vous pouvez retrouver sur la page liens de notre site) qui laissent présager un sentiment de crainte de la délinquance et d’appréhension sur Mindelo et les Cap Verdiens (selon certaines versions Mindelo est un peu le Chicago des îles de l’Aatlantique !). Mais encore une fois je pense que ces forums dégoulinent de paranoïa et que pas mal de gens y interviennent bruyamment à cause d’un manque énorme d’adaptation au voyage ET aux differentes cultures. J’avais entendu le même type de réaction d’angoisse sur le Maroc et ses ports. Ce qui, connaissant par la suite, m’a fait doucement rigolé. Mais revenons à Cap Vert :
– 1. il est vrai qu’il faut négocier avec les mecs qui surveillent ton annexe, mais enfin 2 euros par jour ce n’est pas excessif,
– 2. il ne faut pas râler si tu ne trouves pas de camembert au supermarché,
– 3. il faut admettre qu’on te quémande parfois des sous dans la rue, avec ta face de blanc quand ton budget voyage est supérieur à un salaire annuel local.
En gros, je suis un peu énervé en voyant la réalité des choses, de toutes les infos de travers que j’ai récolté sur ces différents forums pleins de soi-disant voyageurs de l’Atlantique qui feraient mieux de naviguer uniquement dans le 16ème à Paris plutôt que de divulguer des infos résultant de leur incapacité à voyager.
Petit mot sur les Canaries
Nous nous sommes installés au nord de Fuertenvura a Corralejo pendant 4 mois pour remplir la caisse de bord. Franchement, travailler en Espagne m’a permis de voir que la France a des soucis à se faire pour garder ses jeunes. J’ai travaillé comme réceptionniste multilingues et Manon, ma copine, a travaillé comme serveuse. On a gagné à peine moins qu’en France mais tout est beaucoup moins cher et au final on vit mieux tout en mettant plus de sous de côté. Les gens du coin se marraient bien en nous voyant sortir de mon petit bateau, pas toujours très propre, avec nos uniformes respectifs pour aller bosser ! On a laissé beaucoup de copains et on s’est vraiment bien intégré. Je suis parti avec regret et très heureux de cette escale financière.
Je t’envoie les photos, Pascal, tu vas te marrer. Désolé pour les fautes, j’ai du mal avec ces claviers Bye. Léo.
(de Pascal : tu es tout excusé pour les fautes. J’ai corrigé ce que j’ai pu, j’en ai sans doute oubliés. Toute façon l’intérêt n’est pas là et encore un grand merci au nom de tous ceux qui liront tes nouvelles. Pardon, VOS nouvelles).
Journal de bord – seconde partie
courriel du 27 avril 2007 – 23h19 – objet : texte virée 2007
La route du Cap Vert
Nous avons eu une mer assez forte tout le long, avec un temps souvent très gris, un vent arrière de 15 A 30 nœuds et une houle croisée. Rien de très difficile malgré tout mais j’ai commis une erreur que j’ai regretté par la suite. Aux Canaries, nous avons été cloués au port 4 jours pour laisser passer une grosse dépression, assez rare en cette saison, appelée « onda del este » qui se traduit par beaucoup de pluie (ce qui est rare aux Canaries) et une vent d’Est de force 7, 8 et 9. Même si ça pousse dans le bon sens, je n’avais pas envie de commencer mon voyage sous tourmentin.
Le temps très gris pendant cette période n’a que très peu chargé les batteries avec les panneaux solaires et je suis parti des Canaries en comptant sur un ciel bleu de fin de dépression. ERREUR fatale car cette dépression avait entraîné une couche nuageuse importante qui est restée pendant toute la descente : plus de soleil, plus de jus, plus de pilote, quarts de 4 heures à la barre : quelle bourde. Malgré tout cela, nous avons fait une route très régulière (110 milles par jour en moyenne) avec une visite quotidienne des dauphins sous cette grande mer grisaillante. Par contre, pour les manœuvres, on ne peut pas dire que la route du Cap Vert soit un calvaire (8 jours). J’ai sorti la grand-voile environ 3 heures ! Ces 8 jours n’ont été qu’une alternance consécutive de grand foc – petit foc, avec ou sans tangon. Une seule petite frayeur de nuit lors d’une embardée qui m’a mis de travers de cette foutue houle de NW qui déferlait a ce moment là. Et vlan ! les winches dans l’eau et le cockpit rempli au trois quart. Ca réveille, à 4 h du matin et ça ne fait pas de mal.
Au niveau humain , par contre, je sentais que notre équipier semblait beaucoup trop distant, déjà qu’à terre il n’était pas causant. Un peu contradictoire aussi, il voulait sur-toiler quand je voulais sous-toiler, et surtout j’avais l’impression que, comment dire, il me prenait … pour un con. Il était titulaire d’un BE , son bout de paperasse lui donnait un air supérieur. J’ai alors pensé que cela venait du ras le bol de la promiscuité mais l’avenir me montrera que non.
L’arrivée au Cap Vert a été assez magique, après une nuit à la cape à attendre de pouvoir passer tranquillement entre Sao Vicente et Sao Antonio. En effet, je n’osais pas rentrer dans un endroit que je ne connaissais pas, de nuit, et en particulier dans ce coin réputé pour son effet venturi. A 7 h du matin, nous avons vu émerger les hautes montagnes de Sao Antonio des nappes de brume. Plus de fatigue ni de stress, juste l’observation de ces grandes masses et de ce paysage lunaire .Youpi, on est au Cap Vert.
Le Cap Vert
Nous avons rencontré des gens de bateaux formidables au mouillage de Mindelo. Conrad, un Australien parti d’Angleterre pour rentrer chez lui par le voie des mers sur un 9 mètres en acier avec pour tout pilote un bout de caoutchouc et un moteur hors d’usage. Une famille de Bretons en partance pour la Patagonie avec aussi peu de moyen que nous. Sans parler de Pascal, journaliste navigateur solitaire vivant de ses reportages aux escales. Des gens hors normes, tous animés par la même envie : partir loin et revenir le plus tard possible. Il a fallut trouver du temps pour bricoler sur le bateau avec tous ces apéros !!!
Le carnaval de Mindelo ne manquait pas de couleurs et de panache. Des chars immenses, des ballets de 200 à 300 danseuses, des petites vieilles avec des buvettes de grog (rhum local) tous les 50 mètres. Des grands Cap Verdiens musclés tapant sur des tambours énormes avec une énergie et une rage incroyable. Sans parler des costumes extraordinaires des danseuses d’une créativité très africaine. Bref, du grand spectacle et pas cher.
Pour parachever le bonheur de cette escale, nous nous sommes acopinés avec des Sénégalais et Gambiens vendeurs de bibelots qui, comme beaucoup d’Africains, immigrent vers le Cap Vert dans l’espoir de partir vers l’Europe ou les Antilles. Ils se heurtent d’ailleurs souvent à un racisme anti-africain au Cap Vert ! Nous avons passé de bons moments ensemble : des bouffes gargantuesques dans leurs quartiers misérables de Mindelo, des soirées interminables à bord ou en ville, etc. Nous avons beaucoup échangé aussi bien sur le plan gastronomique que culturel. A ce moment, j’ai vraiment pris conscience de la difficulté d’être un jeune Africain au 21ème siècle. Merci à toi, Ousmane, de m’avoir ouvert les yeux.
Une seule ombre au tableau durant cette escale : JB notre équipier. Je faisais tout pour mettre ma vie de couple de côté, et pour faire en sorte de former une équipe qui marche. Mais, petit à petit, je sentais qu’il se tramait quelque chose .Il se débrouillait toujours pour partir très tôt le matin et revenait le plus tard possible le soir .Il parlait encore moins que d’habitude et le peu de temps qu’il passait avec nous, sa présence dégageait quelque chose de désagréable. Au bout de 5 jours, cette fois c’est sûr, il prépare quelque chose. Par la suite, en lui tirant les verres du nez, j’ai réussi a lui faire dire qu’il voulait déserter …Si je ne l’avais pas fait il m’aurait planter le jour du départ. Dans ces conditions j’en avais marre de servir de bateau-hôtel et je l’ai foutu dehors à 8 h de matin. Je comprends le fait qu’il ait eut envie de changer de bateau, ce sont des choses qui arrivent, et qu’on ne peut pas s’entendre avec tout le monde, mais dans son cas, quelle lâcheté et quelle hypocrisie.
Ce problème réglé, j’ai pensé à tous mes amis Sénégalais du Cap Vert qui eux avaient vraiment une nécessite à traverser. Je me suis dit « pour une fois dans ma vie je peux aider quelqu’un, changer une existence, qui peut-être changera la vie d’un village entier. Pourquoi nous, petits blancs, voyageons nous librement, et pourquoi, n’est ce pas le cas pour eux ? » Je suis conscient du fait que le monde ne peut pas supporter toute la misère de l’Afrique mais individuellement ce n’est pas mon problème. Et flûte, j’emmerde toute la paperasserie et ses barrières et j’embarque Abdul, un jeune Gambien de 27 ans parlant correctement anglais, pour l’eldorado de la Barbade. Il avait navigué une journée de praia à Mindelo et on le connaissait depuis assez longtemps pour lui faire a peu près confiance. Nous avons notre sortie internationale de manière régulière avec lui, malgré les réticences des douanier cap verdiens pour qu’il ait son tampon de sortie, lui aussi .Corruption, toujours corruption. A 5 h du matin, nous avons quitte Mindelo, avec une petite appréhension au ventre, vis a vis de ce que nous allions réaliser.
La Transat
L’effet venturi du canal de Mindelo nous a pousse à 8 nœuds, sous tourmentin, avec une houle sèche et déferlante. Bref pas très agréable mais bon. Quelques dix heures plus tard, classique, nous avons été complètement déventé par l’île de Sao Antono. Pétole morte, moteur …. Les deux premiers jours ont été éprouvants pour moi. Forte houle et Manon et Abdul successivement malade à crever. J’ai du forcer Abdul a manger pour qu’il reprenne du poil de la bête .A la fin du deuxième jour, la poisse continue avec un petit problème avec une patte en inox de la barre. Allez, on affale tout, on répare tout ça et c’est reparti .Une nuit de misère dont je me souviendrai. Après ces trois jours, tout c’est bien passé. Nous avons eu une moyenne assez tranquille de 4,8 noeuds, ni sur-toilé, ni sous-voilé, comme disait Moitessier. Une routine très agréable par quarts de 4 heure. A 7 h on mange, à 8 h on écoute RFI, à 9 h nettoyage des poissons volants morts sur le pont, à 10 h on redort, à 14 h on règle les petits problèmes, à 16 h on fait le point, à 18 h Marie bouquine et à 20 h on discute et on boit un coup. Et tous les deux jours à 17 h 30, le luxe : le coup de téléphone à la famille pour donner la position. Quelle magie l’Iridium. Bref le temps passe finalement assez vite et le vent ne change que très peu, de 15 à 25 noeuds, et les Caraïbes se rapprochent petit a petit. Même la météo devient routinière, de l’Est 4 à 5, parfois 6, mer forte sur le sud de la zone. Merci Ariel cassime, mais tu ne me sers pas à grand chose.
J’ai passé un temps interminable avec Abdul à discuter des problèmes de l’Afrique : corruption, guerres inter ethniques, néo-colonialisme des multinationales, etc. J’ai appris beaucoup sur l’Afrique grâce à lui .Son fatalisme était impressionnant. Malgré tout, en 20 jours de mer, nous n’avons pas trouvé de solutions pour ce continent à part et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il avait bien fait de foutre le camp.
A la fin, il pouvait régler les voiles correctement, mettre le pilote au point et barrer assez précisément. Mais il a subi tout le long cette peur de la mer qu’on beaucoup d’Africains. Je me souviendrai longtemps de cette phrase après cinq jours de nav et de mer forte : « Dieu est grand, mais les blancs sont fous d’aller sur la mer comme ça ! ». Ça c’est vrai Abdul. Les cinq derniers jours, j’ai du ménager et prendre soin de mon Africain car je sentais que physiquement et psychologiquement, il ne tenait plus le coup. Ce qui peut se comprendre quand on passe vingt jours en mer sans avoir naviguer auparavant. Manon a tenu le coup tout le long et c’est comporté comme une guerrière de la mer. Sacre Nana ! En vingt jours nous avons vu un seul cargo et pas un dauphin ! Et le 20ème jour, moment magique. Au loin, que vois-je ? des lumières, de la vie, il y a autre chose que de la mer droit devant. Les petites collines de la Barbade se dessinent dans l’obscurité et la lumière revient sur le visage d’Abdul . Ça y est, on y est ! Sort la bouteille de Saint Emilion. Et Abdul, musulman ou pas, Allah te pardonnera bien un petit verre. M…, l’Atlantique c’est fait !
La Barbade
Quelle déception a l’arrivée ! Après les cinq minutes de bonheur de toucher sol, la réalité du monde revient dans toute sa laideur. Les énormes bateaux de croisière dégoulinant de gras touristes, les gens ne sont pas sympas, tout est hors de prix et tout est si superficiel à Bridgetown. Les habitants de la Barbade ont oublié leur créole, ne parlent qu’anglais et sont souvent méprisants. Quelle déception après 2.000 milles. Finalement on n’était pas si mal en mer.
Et j e ne parle pas des problèmes avec l’immigration ! Alors là, c’est le bouquet ! Les douaniers (noirs pourtant) ont affiché un racisme anti-africain que je n’aurais pas imaginé. Avec un regard chargé de mépris, ils ont envoyé Abdul dans un bureau de l’immigration spéciale et a du payer 100 dollars US grâce à son origine tandis que Marie et moi payons seulement 25 dollars. C’est bizarre non ? Les douaniers ont-ils oublié d’où venait leurs ancêtres il y a 200 ou 300 ans ? Par la suite, après d’autres complications, je suis parti précipitamment de cet enfer au sable blanc. J’ai laissé Abdul chez un ami à lui à Bridgetown car il n’a pas voulu me suivre pour une autre île .Bonne chance et bon courage dans cette île maudite. Ras le bol d’ici, il faut partir.
Barbade-Testigos (Venezuela)
Comme dit le proverbe « les voiles levées, les dettes sont réglées ». Maintenant je suis bien avec Manon et le vent nous pousse vers un pays où la paperasse s’arrange vite avec quelques dollars .Nous avons coupé l’arc antillais au nord de Grenade et descendu vers les îles Testigos (à 50 milles au nord du continent sud-américain) avec l’aide de deux nœuds de courant. A l’arrivée, plus de problème. Un petit chapelet d’îles minuscules, les pélicans, la plage rien que pour nous et des poissons partout. Quel pied ! Après une semaine de repos nous sommes aller à Puerto la Cruz sur le continent. Ça y est, pour 50 dollars la paperasse est réglée. Et c’est parti pour le folklore tout en préparant le bateau pour la Transat retour par les Açores (en mai-juin 2007). Mais ça, c’est une autre histoire. Je pars pour Antigua dans quelques jours.
dimanche 24 juin 2007 – 21 h 06
Coup de fil de Léo ce soir : » nous sommes bien arrivés aux Açores. Nous nous apprêtons maintenant à filer sur Gibraltar ».